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Lundi, j’étais invitée à la conférence de presse de la Fondation pour la Nature et l’Homme, créée par Nicolas Hulot il y a maintenant 30 ans. À l’ordre du jour ? Les résultats du dernier rapport de leur think tank sur l’agriculture publié en collaboration avec le BASIC, le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne. C’est comme ça que je me suis retrouvée avec Nicolas Hulot dans mon salon. Bon, en réalité, vous vous en doutez, il n’était pas vraiment dans mon salon mais sur Zoom où se passait la conférence de presse.
En tout cas, il y a une phrase que l’ancien Ministre a prononcée et qui m’a particulièrement marquée : « On a tendance à se soulager du poids des contraintes en se fixant des objectifs sans s’en donner les moyens. » Autrement dit, le gouvernement français se fixe des objectifs, attend leur terme et n’analyse les résultats qu’à ce moment-là. Dans ces conditions, les chances d’atteindre les objectifs fixés sont infimes. Et l’échec de la politique de réduction des pesticides en France en est un bel exemple.
Le problème : toujours plus de pesticides
L’utilisation des pesticides de synthèse a commencé dans les années 1930. Depuis, elle n’a pas cessé d’augmenter. Aujourd’hui, 84 % de l’utilisation des pesticides en France sont liés à 2 groupes de productions agricoles :
- Les grandes cultures de céréales, oléagineux, protéagineux, betteraves à sucre et pommes de terre, à hauteur de 70 %
- La vigne, à hauteur de 14 %
💫 Grandes ambitions, manque d’action
Avec le plan Ecophyto, la France ambitionne de réduire l’usage des pesticides de 50 % d’ici 2025. Pourtant, le dernier rapport du think tank de la Fondation pour la Nature et l’Homme montre clairement que l’on va dans la mauvaise direction. Le recours aux pesticides a augmenté de 25 % en 10 ans. Et cette augmentation est essentiellement le fait d’une poignée d’exploitations agricoles les plus utilisatrices de pesticides, et aussi les plus étendues.
💸 Des financements publics et une fiscalité à contre-courant
Chaque année, 23,2 milliards d’euros de financements publics sont versés. Pour vous donner une idée, ça représente 10 % du chiffres d’affaires du secteur de l’alimentation. Rien que ça. Sans ça, les fermes ne pourraient pas survivre. Les financements publics représentent 70 % du résultat des exploitations agricoles et jusqu’à 114 % si l’on inclut les allègements de charge et les subventions d’investissement.
Le problème ? Seuls 11 % des financements publics visent à réduire l’utilisation des pesticides. Et pire encore, moins de 1 % ont des effets avérés sur cette réduction de l’utilisation des pesticides. Quand on sait ça, l’ambition de réduire l’usage des pesticides de 50 % d’ici 2025 semble totalement hors de portée.
💰 Des financements privés qui maintiennent le statu quo
Du côté des financements privés, il n’y a rien de bien réjouissant non plus. 19,5 milliards d’euros sont alloués chaque année, mais presque aucun outil de financement privé n’a de critère de durabilité. Résultat : les exploitations agricoles les plus intensives en pesticides perçoivent 60% de prêts de plus que les autres et 85% des emprunts sont mobilisés par les entreprises conventionnelles de l’agroalimentaire.
🐳 C’est quoi le rapport avec l’océan ?
Les pesticides, y compris ceux qui ont été interdits il y a des dizaines d’années, sont présents dans tous les milieux marins. Les résidus de produits phytosanitaires retrouvés dans l’océan ont été principalement transportés par les cours d’eau en provenance des terres. Avant de gagner l’océan, ces mêmes cours d’eau ont été pollués par le ruissellement des pesticides, non dégradés ou absorbés par le sol.
Conséquences ? Les pesticides peuvent affecter la reproduction, le développement ou encore l’immunité des organismes marins. Et quand plusieurs pesticides sont présents simultanément dans les milieux marins, les effets peuvent se cumuler.
La solution : rallier agriculture, économie et biodiversité
Nicolas Hulot lui-même le dit, « on a tous les éléments réunis pour une réforme en profondeur du système agricole ». Encore faudrait-il se mettre en marche (évidemment, je ne parle pas du parti). En tout cas, la Fondation pour la Nature et l’Homme compte bien rallier agriculture, économie et biodiversité. Et pour ça, ses membres ont identifié 3 objectifs prioritaires et 2 outils pour les atteindre.
🚀 3 objectifs
- Accompagner les agriculteur·rice·s
- Renouveler les générations
- Responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, des producteur·rice·s aux distributeur·rice·s, en passant par les pouvoirs publics
⚙️ 2 outils
- La Politique Agricole Commune : selon la Fondation, il faudrait donner 5 fois plus de moyens à l’agriculture biologique et transformer la dotation jeune agriculteur en une dotation avec une aide largement bonifiée pour les installations en agro-écologie sans critère d’âge
- Une fiscalité bonus-malus : bonus aux agriculteur·rice·s et acteurs clés dans la transformation des systèmes agricoles et alimentaires et malus aux utilisateur·rice·s, distributeur·rice·s et producteur·rice·s de pesticides
Et en attendant que tout ça soit mis en place, on peut déjà agir et montrer que la demande est là en achetant, autant que possible, des produits issus de l’agriculture biologique française. Ça ne pourra qu’orienter les financements publics et privés dans la bonne direction.
Notre sélection* : objectif zéro pesticide
NoFilter
NoFilter, ce sont « les jus naturellement militants » dont les engagements ne laissent rien au hasard.
- Accompagnement des agriculteur·rice·s français·es dans leur conversion vers une agriculture éco-responsable ou biologique
- Production de jus à partir de fruits et légumes qui peinent à être vendus à leur juste valeur pour limiter le gaspillage et assurer une source de revenus supplémentaire aux agriculteur·rice·s
- Transparence sur toute la chaîne
Moderato
Moderato, c’est un nouveau produit issu du vin avec seulement 5% d’alcool et 0 pesticide, obtenu grâce à de nouveaux cépages naturellement résistants qui n’ont besoin que de soleil et d’eau de pluie. Le tout dans une bouteille en verre recyclée à 30%. Une belle avancée quand on sait qu’une vigne est traitée en moyenne 10 à 15 fois par an et que tous les produits utilisés finissent dans l’air, les sols, les cours d’eau… et l’océan.
Si vous voulez soutenir le projet, la campagne de financement participatif est en cours sur Ulule.
© Moderato
Pour aller plus loin : réduction des pesticides, agriculture intensive et mondialisation
🤓 Rapport : « Réduction des pesticides en France : pourquoi un tel échec ? Enquête sur le rôle des financements publics et privés » par le think tank de la Fondation pour la Nature et l’Homme
Après 30 ans d’actions, la Fondation pour la Nature et l’Homme donne une nouvelle ambition à son activité de think tank. Boîte à idées hier, le think tank entend désormais investir les angles morts de la transition écologique et sociale. En bref, ces questions centrales qui sont dites sans issues. Pour commencer ? C’est l’échec de la politique de réduction des pesticides qui a été largement exploré.
🗞 Article : « Vers la fin de l’agriculture intensive ? »
En octobre 2020, les ministres de l’Agriculture des pays de l’Union européenne se sont mis·es d’accord sur une réforme de la PAC censée mieux prendre en compte la lutte contre le réchauffement climatique. Malheureusement, ce n’est pas si simple que ça en a l’air. Je vous expliquais tout en détail dans cette newsletter disponible sur le journal de Blutopia.
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