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On a tendance à dissocier ce qu’il se passe sur terre de ce qu’il se passe dans l’océan. Pourtant, tout est lié par le cycle de l’eau, du sommet des montagnes jusqu’à l’océan. Ça vous paraît contre-intuitif ? C’est normal. Mais comprendre ça, c’est comprendre que pour préserver l’océan, il est urgent de changer nos habitudes sur terre… à commencer par ce qu’on met dans notre assiette et les pratiques agricoles qui permettent de produire nos aliments.
En France, plus de 58 000 fermes sont engagées en bio, soit 13% des fermes. Sur le papier, on est plutôt bien placé·e·s puisque l’on est au deuxième rang européen. Mais depuis 2 ans, ça se tasse. Après avoir doublé entre 2015 et 2020, les ventes de produits bio enregistrent une première baisse en 2021 et la tendance s’est confirmée en 2022. Pourtant, le bio semble inévitable si l’on veut préserver les sols, les ressources en eau, le climat et la biodiversité.

Le problème
🌾 L’utilisation des intrants chimiques
En France, on a de grandes ambitions… mais on ne se donne pas les moyens de les atteindre. Le gouvernement souhaite réduire l’usage des pesticides de 50% à horizon 2025. On est très loin d’avoir atteint ces objectifs ! Pire, on est même à contre-courant : le recours aux pesticides a augmenté de 25% en 10 ans. Et la plupart des pesticides sont utilisés pour 2 types de production agricole : les grandes cultures à 70% et la vigne à 14%. On sait par où commencer pour tenter d’atteindre nos objectifs !
Quand on sait ça, on comprend bien le rôle essentiel de l’océan dans la régulation du climat… et l’urgence de réduire notre empreinte carbone !
🤑 Les financements publics et privés
Pour comprendre la trajectoire ascendante, on peut jeter un œil aux financements publics et privés. En France, les acteurs agricoles et alimentaires perçoivent plus de 23 milliards d’euros par an de financements publics, mais seul 1% de ces financements a des effets avérés sur la réduction de l’utilisation de pesticides. Du côté des financements privés, le bilan n’est pas plus réjouissant. Il n’existe presque aucun outil de financement privé avec des critères de durabilité.
🌡 L’empreinte carbone
Quand on pense à l’empreinte carbone de l’agriculture, on pense d’abord à la mécanisation des pratiques agricoles. C’est vrai, il faut la prendre en compte, mais ce n’est pas la seule source d’émissions. Parmi celles-ci, il y a aussi les intrants issus de la chimie de synthèse. Par exemple, en France, l’agriculture est responsable de 86 % des émissions de protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 300 fois plus important que le dioxyde de carbone lié, en partie, à l’épandage d’engrais azotés sur les terres agricoles.
🐟 L’impact sur la biodiversité
Il y a une corrélation très forte entre l’effondrement de la biodiversité et l’usage de pesticides. Aujourd’hui, les scientifiques s’accordent sur le fait que l’on est en train de vivre l’extinction de masse la plus rapide que l’humanité n’ait jamais connue. Une des causes ? L’utilisation en masse d’intrants chimiques. On retrouve maintenant des pesticides absolument partout, et même dans l’océan, à plusieurs milliers de mètres de profondeur.
Vous vous demandez comment ils ont pu arriver là ? Grâce à la magie du cycle de l’eau ! Quand on épand des intrants chimiques sur une parcelle, les molécules vont se retrouver sur les champs où elles vont ruisseler, regagner les cours d’eau et ce que l’on appelle le milieu aquatique continental, avant d’arriver à l’océan, que l’on estime être l’ultime réceptacle des contaminations. Le problème, c’est que ces pesticides impactent la biodiversité, en agissant soit de manière directe, soit de manière indirecte, c’est-à-dire en affectant l’habitat ou la ressource alimentaire des organismes.
Le bio, c’est un peu comme avoir son bac avec la moyenne. L’agroécologie, c’est tenter d’avoir 20/20.
Paul Charlent, co-fondateur de Alancienne et partenaire fondateur de FERMCOOP
Les solutions
Il existe peu de leviers pour atténuer les effets des intrants chimiques dans le milieu marin. Une fois que les molécules sont là, on en constate les effets… et on attend qu’elles disparaissent. Vous l’avez compris, pour limiter l’arrivée d’intrants chimiques dans le milieu marin et leurs impacts sur la biodiversité terrestre et marine, les solutions se trouvent à terre.
🌱 L’agriculture biologique
On peut agir au quotidien pour montrer la voie à suivre et clamer haut et fort ce que l’on souhaite : une agriculture qui se passe d’intrants chimiques. C’est absolument nécessaire, à la fois pour préserver notre santé… et celle du reste du vivant. Si vous pensez que le bio est hors de prix, jetez un œil à La Fourche, un magasin bio en ligne qui réduit les intermédiaires pour proposer des produits jusqu’à 50% moins chers.
👩🌾 L’agroécologie
Comme nous l’a dit Paul Charlent, co-fondateur de Alancienne et partenaire fondateur de FERMCOOP, lors du tournage du documentaire De l’assiette à l’océan, le bio, c’est bien, mais l’agroécologie, c’est mieux. En fait, le bio interdit les intrants chimiques, mais autorise les intrants minéraux. Avec l’agroécologie, l’objectif est de se passer des intrants tout court. En plus de ça, l’agroécologie passe par une meilleure gestion de l’eau, des actions pour préserver la biodiversité et la qualité des sols, une mécanisation réduite au strict minimum, une juste rémunération des agriculteurs et des agricultrices ou encore une réflexion sur les semences utilisées.
En bref, si l’on reprend la définition de Fermes d’avenir, il s’agit de nourrir la population avec des aliments sains et qualitatifs en préservant le capital naturel planétaire et en garantissant une activité viable, vivable et résiliente pour les agriculteurs et les agricultrices.

👩⚖️ Les politiques publiques
Tout ça irait beaucoup plus vite si les politiques publiques se donnaient les moyens de leurs ambitions. Les pistes d’amélioration ne manquent pas. On pourrait, entre autres :
- renouveler les départs massifs à la retraite avec des installations et des transmissions en agroécologie
- réformer en profondeur la PAC, la Politique Agricole Commune de l’Union Européenne, pour allouer plus de financements à l’agriculture biologique sur des petites surfaces
- jouer sur les financements nationaux qui représentent 60% des financements publics et instaurer une fiscalité basée sur le principe du pollueur-payeur
En attendant que les gouvernements se réveillent et fassent leur part, on peut toujours agir au quotidien pour montrer la voie à suivre.
Pour aller plus loin
🎥 Film : Goliath réalisé par Frédéric Tellier
Goliath relate une enquête sur les pesticides, mettant en lumière les jeux de pouvoir et l’influence des lobbies du complexe agro-alimentaire. Une fiction qui n’est pas sans rappeler les affaires judiciaires contre l’industriel Monsanto et son herbicide à base de glyphosate…
🎙️ Podcast : “Le bio est-il vraiment écolo ?”, Y’a le feu au lac
On se demande qui a bien pu se poser cette question. Si on enlève les intrants chimiques, c’est forcément plus écolo, non ? Eh bien, il faut croire que ce n’est pas si simple… Dans cet épisode du podcast Y’a le feu au lac, le journaliste Lucas Scaltritti revient sur les débats qui animent la communauté scientifique au sujet du bio.